GÉOLOGIE - La géologie contemporaine

GÉOLOGIE - La géologie contemporaine
GÉOLOGIE - La géologie contemporaine

Pour les uns, la géologie a pour objet la description des masses rocheuses qui constituent la croûte terrestre. Pour les autres, elle a pour but de reconstituer l’histoire des phénomènes qui ont produit et transformé ces roches. La contradiction n’est qu’apparente, car l’expérience a montré que la reconstitution des processus générateurs constitue le fil directeur qui permet, seul, d’ordonner la description de l’état actuel et de parvenir aux lois qui le régissent. La possibilité même d’une reconstitution historique implique que l’on puisse faire intervenir les lois issues de l’observation des phénomènes qui se produisent aujourd’hui. C’est le principe, mis en évidence par Charles Lyell, dit des actual causes , qu’il faut traduire non par «causes actuelles» ou «actualisme», comme on le fait parfois – ce qui suppose une identité entre les causes qui ont joué dans le passé, et celles qui jouent aujourd’hui – mais par «causes effectives»; en d’autres termes, il s’agit de rechercher la filiation réelle des phénomènes en posant comme postulat la permanence des lois physiques: l’«uniformitarisme».

1. Les branches de la géologie

Les classifications et le continu

En géologie, comme dans les autres sciences naturelles – botanique et zoologie – et, dans une certaine mesure, à leur image, on a cherché à mettre de l’ordre dans les innombrables observations d’objets très variés, à l’aide de classifications appropriées. Mais alors que, dans les sciences de la vie, l’organisation, à ses différents niveaux (organe, individu, espèce, genre, etc.), fournit une base solide aux classifications, on se trouve souvent, dans le monde minéral qu’étudie la géologie, en face de séries continues, qu’il s’agisse de la composition chimique des roches éruptives ou du déroulement du temps. Les classifications que l’on a successivement proposées, souvent comme succédanés d’une mesure quantitative encore inaccessible, ne pouvaient, comme dans les sciences biologiques, reposer sur un ordre préexistant de la Nature. Elles s’appuient souvent sur des caractères choisis avec un certain arbitraire, sans qu’on ait volontiers reconnu leur caractère conventionnel; d’interminables discussions ont opposé, et opposent encore, les partisans de systèmes différents. Et lorsqu’un accord s’est réalisé, les nomenclatures qui expriment ces classifications rebutent souvent les débutants qui ne peuvent en saisir ni le principe ni les justifications; au spécialiste, elles fournissent parfois l’alibi de déterminations qui le dispensent d’aller au fond des choses.

Géologie historique

Un exemple d’une telle nomenclature est fourni par la chronologie stratigraphique , qui joue un rôle essentiel dans la reconstitution historique qu’est la géologie. Il est en effet indispensable de savoir quels sont, parmi les phénomènes dont on observe les traces dans des régions différentes, ceux qui ont été simultanés, de façon à pouvoir comprendre leurs rapports. L’ordre de succession des phénomènes, et en particulier des dépôts sédimentaires, est assez clair en un lieu. Entre des régions différentes, la présence des mêmes fossiles crée une présomption de simultanéité, que certains phénomènes physiques (projections d’une éruption volcanique lointaine, changement de climat, renversement du champ magnétique) peuvent confirmer. Le langage dans lequel s’exprime la synthèse des innombrables travaux qui ont établi la simultanéité, ou l’ordre de succession, de phénomènes dont les traces ont été observées dans des régions différentes, remonte au milieu du XIXe siècle et repose sur des idées aujourd’hui totalement abandonnées; on croyait alors que des bouleversements physiques capables d’anéantir la majeure partie des faunes, mais suivis de nouvelles créations, divisaient le temps géologique en périodes discrètes, comme les «époques de la nature» de Buffon, auxquelles il était tout naturel de donner des noms: ces noms, ayant été appliqués aux dépôts formés au cours de ces périodes, et qui ont été décrits alors d’une manière définitive, sont encore en usage. On sait maintenant que le temps géologique s’est écoulé d’une manière continue, que les faunes et les flores ont évolué progressivement (mais souvent avec l’invasion assez brusque d’un domaine nouvellement accessible à une espèce particulièrement bien adaptée); les bouleversements physiques se sont poursuivis longuement, avec des paroxysmes qui n’ont pas été simultanés, même en des lieux assez proches, et dont les âges diffèrent complètement entre des régions éloignées l’une de l’autre. Les limites entre les étages (et entre les systèmes et les ères qui les regroupent), dont on a conservé les noms, apparaissent maintenant comme des repères conventionnels dans le déroulement du temps, dont on s’attache, non sans discussions, à préciser les définitions, en combinant le souci de la commodité et le respect de la tradition.

Ce travail technique d’établissement d’une chronologie, ou plus exactement d’un ordre de succession, indépendant de toute mesure des intervalles de temps, se trouve étroitement lié à la description de la succession des dépôts sédimentaires dans les différentes régions, et à la reconstitution des phénomènes qui ont déterminé leurs caractères: invasions et retraits de la mer (transgressions et régressions), phénomènes volcaniques, déformations... L’ensemble constitue la géologie historique , branche centrale de la géologie, à laquelle se rattache la plus grande partie du travail accompli jusqu’à maintenant, avec en particulier l’exploration de nouveaux continents, où se sont trouvées confirmées les méthodes de travail dégagées dans quelques régions d’Europe ou d’Amérique du Nord.

On sait que des méthodes fondées sur la désintégration radioactive ont permis de mesurer le temps écoulé depuis la formation de minéraux ou de roches contenant des éléments radioactifs (uranium, potassium 40, rubidium 87, etc.), par le dosage de leurs produits de désintégration (plomb, argon, strontium). Il a été possible de traduire en années la chronologie traditionnelle, dont les méthodes, dans l’ensemble, n’ont pas été bouleversées. Par contre, seules ces datations ont permis de faire entrer dans la synthèse de la géologie historique les dépôts précambriens, antérieurs aux premières faunes fossiles conservées, et qui représentent les sept huitièmes de l’âge de la Terre. Cependant, pour les terrains sédimentaires, la chronostratigraphie traditionnelle, qui s’est beaucoup enrichie par l’utilisation des microfossiles et des nanofossiles, reste beaucoup plus sensible que les datations par des méthodes fondées sur la radioactivité.

Géologie générale

Peut-être l’aspect technique de l’établissement de la chronologie a-t-il, dans le passé, un peu détourné l’attention du contenu même de cette histoire, c’est-à-dire de la reconstitution des phénomènes, une fois ceux-ci datés: érosion (au sens large), mode de transport des matériaux destinés à se sédimenter, conditions du dépôt, mode de formation des roches, répartition des organismes dont on trouve les restes fossiles en fonction de l’environnement physique (paléo-écologie ), destin particulier de chacun des éléments chimiques (ce qui est du ressort de la géochimie ), évolution minéralogique des roches sédimentaires. Tout au moins dans les programmes d’enseignement, l’étude de ces phénomènes géologiques, plus ou moins superficiels, est désignée comme «géologie générale», ce qui est bien l’aveu d’une difficulté à individualiser cette sous-discipline; si l’on fait intervenir les forces responsables de ces phénomènes, on pourra parler de géodynamique externe ; si l’on considère les formes engendrées, il s’agira alors de géomorphologie . Depuis quelque temps, on parle de sédimentologie pour l’étude des roches sédimentaires, en relation étroite avec leurs mécanismes de dépôt, pour réagir contre le point de vue, jugé trop essentiellement descriptif, de la pétrographie sédimentaire . La sédimentologie s’oriente vers une reconstitution très fine des conditions de dépôt et de l’évolution chimique ultérieure. Les géologues pétroliers arrivent ainsi à modéliser l’évolution de la matière organique sous l’effet des variations de température, jusqu’à leur transformation en huile ou en gaz, et à leur migration.

Pétrographie et pétrologie

Pour des raisons techniques, et par opposition à l’étude des roches sédimentaires, aux constituants relativement peu variés, ou difficiles à déterminer exactement (argiles), la pétrographie (au sens strict) s’est consacrée à l’étude et à la description des roches formées, ou tout au moins recristallisées, à plus ou moins haute température, et où l’on trouve des minéraux très variés, en relations étroites avec les conditions de genèse, en grains assez gros pour pouvoir faire l’objet de déterminations précises au microscope polarisant.

Dans ce cadre, il faut distinguer la volcanologie , qui comporte l’étude – par toutes les méthodes utiles – des volcans actuels et de leur activité, en même temps que celle des roches volcaniques issues des volcans du passé. Ses progrès les plus solides – sinon les plus spectaculaires – concernent l’évolution chimique des laves successivement émises; cette évolution fournit un fil directeur pour l’étude du comportement du contenu des hypothétiques «chambres magmatiques».

La pétrographie a été d’abord essentiellement descriptive et classificatrice. À cette phase initiale, souvent ingrate mais indispensable, s’ajoute de plus en plus la recherche de l’origine et des conditions de genèse des roches, d’autant plus délicates à déterminer que l’observation des phénomènes actuels n’est d’aucun secours, puisque cette genèse, impliquant une haute température, s’est nécessairement produite (et se produit encore) en profondeur.

Dans cette recherche de l’origine, une distinction s’impose immédiatement entre les roches «éruptives», ou «magmatiques», et les roches «métamorphiques». Les modalités de la structure des premières, parmi lesquelles les granites et les basaltes sont les plus abondants, résultent uniquement des conditions de la cristallisation, et ne comportent aucune trace des états antérieurs, si ce n’est leur composition chimique. On appelle maintenant pétrologie la discipline qui étudie l’origine possible de ces roches, compte tenu des phénomènes qui peuvent modifier la composition chimique globale (différenciation, assimilation), comme des permanences que respectent ceux-ci. La pétrologie, qui s’appuie sur un ensemble d’expériences relatives à la cristallisation de bains fondus, à l’air libre ou sous pression d’eau, espère arriver à formuler des hypothèses sur l’origine profonde ultime de la matière cristallisée dans les roches éruptives plutoniques (le terme traditionnel d’«éruptives» ne correspond nullement à leurs conditions de cristallisation très lente en profondeur) et volcaniques, les compositions chimiques de ces dernières présentant des similitudes frappantes avec celles des roches de profondeur.

Les roches métamorphiques, pour leur part, comportent simultanément une composition minéralogique qui résulte d’une recristallisation à haute température, et des particularités structurales en rapport avec un état antérieur, dont la conservation ne s’explique que si elles sont restées à l’état solide. Leur étude, en pleine évolution, doit porter simultanément sur ces différents aspects, dont chacun peut fournir la base d’une classification susceptible de se substituer aux vieilles classifications essentiellement descriptives (gneiss, micaschistes...).

On peut tenter de reconnaître, au moins par échelons discontinus, les températures et pressions sous lesquelles s’est produite la recristallisation des minéraux, pour une roche ou, mieux, un ensemble de roches de compositions chimiques différentes: c’est le principe de la définition des «faciès métamorphiques», ou des «zones d’isométamorphisme». La température a parfois été assez élevée pour donner l’impression d’une refusion partielle, dans les «migmatites» qui peuvent passer, en tout ou partie, à des granites.

Il faut aussi analyser la déformation mécanique, pratiquement toujours associée à la recristallisation, et qui imprime aux schistes métamorphiques une texture foncièrement anisotrope, dont la «schistosité», ou le litage, n’est que l’aspect le plus évident (on observe aussi une linéation, et diverses sortes de replis); sa description est l’objet de la structurologie . On reconnaît souvent plusieurs phases distinctes de métamorphismes, généralement associées à des contraintes mécaniques d’orientation et de natures différentes.

Un autre point de vue consiste à étudier, dans le cadre d’une géologie historique régionale, les stades antérieurs au métamorphisme. On ne dispose guère pour cela que des compositions chimiques globales, ou mieux de séquences de couches à compositions différentes, parfois de quelques traces de structures sédimentaires (conglomérats) ou de restes fossiles.

Ces deux points de vue aboutissent à des classifications totalement indépendantes, entre lesquelles aucune priorité ne s’impose.

Tectonique et géologie structurale

Les déformations subies par l’écorce solide, dont l’intensité constitue l’une des plus remarquables particularités de l’histoire de la Terre (il ne semble pas que la Lune ou les autres planètes en offrent l’équivalent), sont étudiées par la tectonique , qui analyse leur localisation dans le temps et dans l’espace (qui conditionne étroitement la nature des sédiments, le métamorphisme et la localisation des roches éruptives), ainsi que la nature des déformations et leur mécanisme. On parle aussi de géologie structurale , dans un sens plus descriptif et dans le cadre d’une géologie régionale.

L’accent est mis de plus en plus sur l’analyse des traces de déformations successives, souvent superposées à l’échelle de l’échantillon. Une analyse devenue très fine ne doit pas dispenser de replacer les observations locales dans un cadre analysé dans son ensemble.

Géologie marine

Jusqu’à une date récente, la géologie ne pouvait, sauf rares exceptions, étudier que les continents. Elle ne s’intéressait à l’océanographie que pour retrouver, dans les sédiments marins actuels, des homologues, plus ou moins satisfaisants, des roches sédimentaires.

Une série de progrès techniques a permis, dans la géologie marine , de compléter ce point de vue par l’étude de la structure profonde des fonds marins. Les résultats obtenus sont d’une importance fondamentale, et cela, selon deux voies différentes.

D’une part, la géologie des marges continentales, qui prolongent les continents, est étudiée très activement, avec les gros moyens qu’implique la recherche du pétrole. Il suffit d’évoquer le cas de la mer du Nord, où les structures découvertes raccordent et complètent celles qui avaient été étudiées antérieurement dans chacun des pays voisins.

D’autre part, pour les mers profondes, une recherche à maille beaucoup plus lâche, rendue possible par divers progrès techniques, souvent issus directement de techniques militaires, a permis de proposer un modèle général qui conduit à coordonner des observations jusque-là éparses. Ce modèle est fondé sur la notion des dorsales océaniques, le long desquelles un écartement progressif provoque l’effondrement d’un «rift» et l’ouverture de fissures envahies par des injections volcaniques. L’aimantation de celles-ci dans le sens du champ magnétique terrestre au cours de leur refroidissement laisse la trace, dans les fonds océaniques ainsi constitués, des positions successives du rift, sous forme d’anomalies magnétiques enregistrant les renversements successifs du champ.

Sur le fond basaltique ainsi constitué se déposent des sédiments, forcément postérieurs, ce qui a été vérifié grâce aux sondages effectués à partir de navires capables de les exécuter, le Glomar Challenger , et, depuis 1985, le Joides Resolution , dans le cadre d’un projet d’abord américain, puis international, D.S.D.P. (Deep Sea Drilling Project), poursuivi dans le cadre de l’O.D.P. (Ocean Drilling Program).

Cette création permanente de fond océanique est compensée par la subduction de la croûte océanique sous les arcs insulaires du Pacifique occidental, par exemple, ou sous la croûte continentale, subduction qui se manifeste par les séismes profonds jalonnant les «zones de Wadati-Benioff», qui plongent progressivement. Peut-être aussi faudrait-il faire la part, dans cette réduction de surface qui compense la création de fonds océaniques le long des rifts, de la déformation des zones tectonisées dans les blocs continentaux, qui ne se réduit pas nécessairement au même mécanisme.

Cette conception a été amplement confirmée par les recherches; on a abouti à la notion d’un petit nombre de plaques relativement rigides, se déplaçant avec des vitesses relatives moyennes de quelques centimètres par an, et dont les limites sont jalonnées par des séismes.

Cette hypothèse, qui prolonge celle de la dérive des continents, formulée par Alfred Wegener dès 1911, a fourni le cadre général, relativement simple, dans lequel on s’efforce d’intégrer toutes les études locales, aux résultats souvent très complexes obtenus à terre (par exemple, la multiplicité des phases de déformation et la complexité des mouvements dans une chaîne de montagnes).

Mais surtout, cette hypothèse a pu donner l’impression que le succès de modèles simples permettait de substituer une méthode déductive, synthétique, susceptible de permettre des prévisions, à une méthode fondée essentiellement sur l’observation, et peut-être exagérément analytique. Toute science d’observation oscille entre des périodes prudentes, d’analyse, et des périodes où la confiance en des modèles théoriques permet une avance synthétique. Bien après la physique, la géologie a connu une telle oscillation, mais certains des modèles utilisés ne tiraient leur simplicité apparente que de l’insuffisance des connaissances, et on a assité à un retour vers une nécessaire phase d’observation, plus fine, qui reste indispensable à terre et sur les marges continentales, c’est-à-dire là où elle ne soulève pas trop de difficultés.

Autres branches

Pour des raisons essentiellement pratiques, on distingue encore d’autres disciplines géologiques: l’hydrogéologie étudie le comportement des eaux souterraines, base de leur exploitation; la pédologie étudie la nature et l’évolution des sols, supports de la végétation, étroitement liés au climat; la métallogénie étudie les processus, relativement exceptionnels, qui engendrent les concentrations locales de métaux; l’étude du Quaternaire s’individualise au sein de la géologie historique, par le rôle qu’y jouent les phénomènes superficiels (parmi lesquels les avancées des glaciers) et par ses rapports avec la Préhistoire.

2. Rapports de la géologie avec les disciplines voisines

La délimitation entre la géologie et les disciplines voisines est parfois assez arbitraire, même lorsqu’elle est sanctionnée par l’articulation des programmes universitaires.

La géographie , qui se propose une explication de l’état actuel de la surface, souvent dans ses rapports avec l’activité humaine, utilise une partie seulement des matériaux de la géologie, dans un esprit souvent plus synthétique.

La géophysique étudie les phénomènes physiques dans leur localisation spatiale; certains dépendent du globe solide soit dans leur permanence, soit dans les propriétés statistiques de leurs manifestations transitoires. Elle fournit au géologue des moyens d’investigation précieux, à toutes les échelles (elle seule renseigne sur les parties profondes du globe), mais elle est d’emploi délicat: on s’efforce, pour rendre compte des phénomènes observés, de construire des modèles, qui restent arbitraires par certains côtés, et ne fournissent au mieux qu’une image simplifiée de la réalité.

La minéralogie est une branche de la chimie, qui ne peut séparer les descriptions des corps existant dans la nature de l’analyse de leurs gisements, et de ce qu’on peut en déduire quant aux conditions de leur genèse; par là, elle participe de la géologie, outre les moyens de détermination et de description qu’elle lui fournit et qui en font la base de la pétrographie.

La paléontologie est une branche de la biologie qui décrit les êtres disparus d’après les restes trouvés dans les roches, et leur évolution au cours du temps, que la géologie permet de reconstituer. Par les possibilités de datation que lui offre la détermination des fossiles, la paléontologie donne à la géologie un de ses outils essentiels.

3. La coopération internationale

Plus que pour toute autre discipline, la nécessité d’une coordination entre les observations faites dans différents pays a été ressentie très tôt, et les Congrès géologiques internationaux ont été – à partir de celui de Paris, en 1878 – les premiers congrès scientifiques régulièrement organisés, en principe tous les quatre ans. Leur première tâche a été d’unifier le langage dans lequel s’exprime l’échelle chronostratigraphique, et cela reste un objectif permanent.

Lorsque, après 1920, les différentes disciplines se sont organisées en unions scientifiques internationales, les géologues sont restés longtemps réticents, parce que très attachés à leurs congrès, dont la responsabilité appartient au pays (parfois groupe de pays) invitant, aussi bien pour l’organisation même du travail que pour la préparation d’excursions, qui présentent les résultats des travaux locaux les plus récents. Ce n’est que dans les années soixante qu’a été fondée une Union internationale des sciences géologiques , comportant un bureau permanent, qui peut patronner des projets à long terme, éventuellement en commun avec d’autres unions (en particulier l’Union géodésique et géophysique internationale ); ces projets sont souvent soutenus par l’U.N.E.S.C.O. Ce furent les projets «Manteau supérieur», «Géodynamique», «Corrélations géologiques», «Lithosphère», etc.

L’expérience a montré que, même sans moyens propres, et sur des thèmes aussi généraux, ces grands projets fournissent un cadre à la concertation des spécialistes, sur une durée plus longue que celle d’un congrès. Peut-être aussi aident-ils les centres universitaires de pays neufs à choisir des thèmes de recherche. Cependant, le choix des thèmes de ces projets internationaux ne fait guère que constater les préoccupations à la mode.

C’est dans le cadre des congrès qu’a été constituée la Commission de la carte internationale du monde , qui assure la préparation des cartes internationales couvrant les continents, grâce à la participation scientifique de tous les pays intéressés, chacun pour l’étendue de son territoire. Après les cartes géologiques de type classique, par continent (souvent en plusieurs feuilles), et un atlas mondial, ont été publiées aussi les cartes relatives à divers phénomènes: carte tectonique, carte métallogénique, etc.

4. Importance des inventaires

Science fondamentale, la géologie est, par ailleurs, à la base de nombreuses applications, souvent d’une importance essentielle pour la civilisation industrielle. Mais avant d’en énumérer quelques-unes, il faut mentionner ce qui constitue la condition de ces applications, en même temps qu’une méthode d’investigation très puissante. Tous les pays civilisés ont, depuis longtemps, entrepris un inventaire systématique de la constitution de leur territoire, qui complète les reconstitutions de la géologie historique par une localisation minutieuse de toutes les formations qu’elle a permis de distinguer. Cet inventaire s’exprime notamment par la carte géologique, que l’on s’efforce de publier à des échelles variées, depuis les plus détaillées (en France, 1 : 50 000 et 1 : 80 000), jusqu’à celles qui fournissent une vue d’ensemble d’un grand pays (en France, 1 : 1 000 000). La collaboration internationale permet la publication de cartes continentales (en général au 1 : 5 000 000; pour l’Europe, 1 : 1 500 000).

La complexité des données à représenter impose d’utiliser des couleurs soit simples, soit combinées en surcharges, au travers desquelles la topographie, indispensable pour une localisation précise, reste lisible; les classifications adoptées, qui se traduisent par la gamme conventionnelle des couleurs, sont celles même de la géologie historique, c’est-à-dire qu’elles sont fondées sur l’âge des différentes formations. Mais la carte géologique n’est pas une carte des âges des formations; elle distingue ces formations elles-mêmes, caractérisées par leur nature lithologique, que précise la notice, et indique leurs rapports de position. Elle doit noter leurs variations latérales de composition. Les formations figurées sont celles qui affleureraient si la terre végétale était enlevée. La géologie fournit des règles pour en déduire la constitution en profondeur, avec une certaine approximation.

Depuis que se sont multipliés les sondages profonds, en particulier pour la recherche du pétrole, cette constitution peut souvent être connue d’une manière plus précise; les services responsables s’efforcent de mettre les informations correspondantes (coupes, lexiques stratigraphiques, etc.) à la disposition du public, en même temps que la carte géologique, limitée de par sa nature à la surface.

L’établissement de ces inventaires, carte géologique ou investigations en profondeur, a été, et est encore, l’occasion privilégiée de recherches à caractère fondamental, et contribue à en exprimer les résultats. Mais ils constituent en même temps la base de la plupart des applications techniques, étant entendu que les connaissances déjà acquises, condensées par ces inventaires, sont rarement suffisantes et doivent être suivies d’investigations particulières, visant à un plus grand détail (qui pourront d’ailleurs contribuer aux inventaires subséquents).

5. Applications de la géologie

La recherche de sites de carrières résulte assez directement des inventaires; encore faut-il souvent vérifier les propriétés exactes des matériaux recherchés. Si l’ouverture des carrières dépend essentiellement des besoins économiques locaux, les mines recherchent des éléments – principalement des métaux – relativement rares, dont l’exploitation est économiquement possible lorsque la teneur en est anormalement élevée (la teneur exploitable pouvant être très différente selon le métal, de quelques grammes par tonne pour l’or, ou quelques fractions de gramme pour le diamant, à 40 ou 60 p. 100 pour le fer).

Les méthodes de la géologie historique s’appliquent à la reconstitution des processus qui ont engendré les concentrations minérales. C’est l’objet de la métallogénie, qui évoque des processus très variés. Mais il faut aussi, empiriquement, rechercher toutes les corrélations entre les gisements et les éléments du cadre géologique, qui peuvent faciliter la recherche de gisements nouveaux. Cependant, quoi qu’on fasse, leur répartition reste largement aléatoire, et la reconnaissance, c’est-à-dire la définition statistique des teneurs dans un volume convenable, à partir d’échantillons recueillis en place, par sondages ou galeries, ne peut aboutir qu’à la suite de prospections préliminaires beaucoup plus extensives. L’inventaire géologique préalable, fourni par la carte géologique, n’indique alors que le cadre général, guide plus ou moins indirect des recherches.

Le cas du charbon est un peu différent. Il s’agit de l’un des constituants normaux des formations sédimentaires continentales déposées à certaines époques; sa recherche se confond avec l’étude de ces formations (conduite en profondeur), et la géologie y constitue un guide essentiel.

Il en est de même pour le pétrole, avec cette difficulté supplémentaire que l’huile migre dans les terrains perméables et disparaît à la surface. Sa recherche comporte d’abord une connaissance très détaillée de la géologie profonde (c’est, de loin, la recherche du pétrole qui occupe le plus grand nombre de géologues), et ensuite une option, aléatoire mais guidée par de nombreuses analogies, sur les zones où il a pu s’accumuler. On sait le succès de cette méthode de recherche, qui a pu jusqu’à présent trouver des gisements pour répondre à une demande qui a été longtemps en croissance très rapide.

L’eau souterraine pose des problèmes un peu analogues, à ceci près qu’elle est infiniment plus répandue. La géologie devient un guide indispensable pour exploiter au maximum les ressources souterraines. On sait qu’aujourd’hui de nombreux pays dépendent, en majeure partie, de l’exploitation des eaux souterraines, pour leur agriculture comme pour l’alimentation des collectivités et de l’industrie. Il peut arriver que le débit exploité dépasse la réalimentation naturelle, par la pluie, des réservoirs souterrains, ce qui peut aboutir, au bout de quelques dizaines d’années, à l’épuisement d’une ressource dont dépend l’existence des collectivités humaines dont elle a permis le développement. L’hydrogéologue a donc une responsabilité sociale très lourde.

Il faut encore mentionner le rôle de la géologie dans l’étude de l’implantation et des fondations des constructions. Dès qu’on ne se limite plus à des charges faibles et qu’on veut construire de grands immeubles et surtout des ouvrages comme les barrages, une connaissance précise de la résistance du sous-sol est indispensable pour assurer la sécurité, tout en limitant les fondations à ce qui est réellement nécessaire. De même, l’établissement d’un important tunnel ne se conçoit aujourd’hui qu’à la suite d’une étude géologique approfondie, d’autant qu’on dispose souvent d’une certaine liberté quant à l’implantation, liberté qui permet de choisir la solution la plus économique, qui n’est pas nécessairement la plus courte.

De plus en plus, les ingénieurs apprennent à avoir recours à la géologie – ce qui ne veut pas dire qu’il existe une «géologie de l’ingénieur», distincte de la géologie fondamentale. L’ingénieur doit pouvoir faire appel à tous les résultats de celle-ci; mais, selon les problèmes qui lui sont posés, leur mise en œuvre se présente de différentes manières, qu’il s’agisse d’organisation du territoire et de planification, de la prévision des risques de mouvements du sol, ou de la géotechnique, qui est la prise en compte des propriétés du sol dans l’exécution des ouvrages.

Les problèmes posés par les constructions sur les terrains de faible résistance, qui sont souvent ceux de grandes concentrations urbaines, ont provoqué la naissance d’une discipline spéciale, la mécanique des sols , qui se propose de mesurer leur résistance, et de suggérer les méthodes de construction appropriées. Plus récemment, en vue de la construction d’ouvrages très lourds ou de la mise en œuvre du terrain naturel (tunnels, fouilles de grandes dimensions), est née la mécanique des roches , qui s’intéresse aux roches dures, pour lesquelles la fissuration préexistante joue un rôle essentiel.

6. Géologie et planétologie

La géologie est désormais inséparable d’une discipline née dès les débuts de l’ère spatiale, la planétologie. Toutes les planètes, à l’exception du système Pluton-Charon, et la plupart de leurs satellites ont été visités par des sondes automatiques; le noyau de la comète de Halley a été étudié de près en 1986; enfin, les premières images d’astéroïdes ont été acquises en 1991 (Gaspra) et en 1993 (Ida) par la sonde américaine Galileo .

Des processus tectoniques comparables à ceux qui ont modelé et continuent de modeler notre planète ont été découverts sur Vénus – dont la topographie a été entièrement dévoilée grâce aux images radars transmises par la sonde américaine Magellan –, sur Mars, sur certains satellites des planètes géantes. Mais le système solaire a aussi révélé des phénomènes entièrement nouveaux, ainsi le «volcanisme soufré» du satellite galiléen Io, les «geysers» d’azote de Triton, un des satellites de Neptune...

La compréhension de la Terre dépend désormais étroitement de l’étude de ces différents processus, qui détiennent la clé de la naissance et de l’évolution de notre système planétaire.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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